Épisode #4

Recommencer, perdre, vendre, pivoter...et continuer. L'histoire forte de Sabrina Bulteau

avec Sabrina Bulteau co-fondatrice de PingPrime.ai

Écouter l'épisode →

Recommencer, perdre, vendre, pivoter… et continuer. L’histoire forte de Sabrina Bulteau.

Cette semaine dans WIP Club, on a accueilli Sabrina Bulteau.
Une femme qui a tout connu : la croissance, les grands clients, l’exit, la fusion ratée, la désintégration d’une culture, la reconstruction, la fatigue, le feu intérieur… et aujourd’hui un nouveau départ avec PingPrime.ai

Une histoire vraie sur ce que ça coûte, pour de vrai, de grandir quand on entreprend.

Dans l’épisode, elle raconte :

  • comment elle a lancé Bitconnect… après un déjeuner arrosé
  • comment elle a bluffé le marché belge avec 10 ans d’avance
  • comment on vit une vente… puis la désintégration de son propre bébé
  • ce que ça fait de perdre L’Oréal parce qu’on est “trop petit”
  • pourquoi certains modèles agency ne fonctionnent plus
  • comment l’IA va réécrire le search et l’autorité des marques
  • et surtout : pourquoi on ne peut pas scaler une boîte sans scaler les humains dedans

C’est une conversation sans filtre, puissante et hyper lucide.
Une claque pour quiconque travaille dans le digital, le contenu, le marketing… ou l’entrepreneuriat tout court.

Comment contacter Sabrina Bulteau?

Rejoins le club de celles et ceux qui construisent. Des échanges vrais, du concret, et une bonne dose d’inspiration sans bullshit.

La retranscription du podcast, c'est par ici ...

(00:36) Amélie : Aujourd'hui, je suis en compagnie de Sabrina Bulteau. Sabrina, bonjour.

(00:38) Sabrina : Bonjour Amélie.

(00:39) Amélie : Merci d'être venue. On ne se connaît pas encore, merci d'avoir accepté l'invitation.

(00:44) Sabrina : Merci à toi de m'avoir invitée.

(00:46) Amélie : Je suis ravie de te rencontrer aujourd'hui. Je vais te lancer la balle, est-ce que je peux te demander de te présenter ?

(00:53) Sabrina : C'est parti. Je suis Sabrina Bulteau, je suis française. J'ai débarqué en 2010 pour lancer B-Connect, une une agence digitale spécialisée dans les réseaux sociaux et le marketing mobile, avec mon associé et cofondateur Olivier de Decker. On en a fait une très belle boîte, une très belle expérience humaine avant tout. On a eu l'opportunité de la revendre au groupe IO fin 2019.
Et puis en juin, Olivier de Decker a refrappé à ma porte : "Toc toc, est-ce qu'on ne remonterait pas un truc ensemble ? Il y a des choses qui se passent sur l'IA". On a décidé de s'intéresser à l'impact de l'IA dans le Search et à la grosse révolution que c'est en train d'engendrer pour la relation entre les marques et leur audience. On a donc décidé de lancer Pink Prime. C'est tout beau, tout neuf, tout chaud, ça vient de sortir fin août. Avec cet objectif de ne plus réfléchir que "visibilité" mais vraiment "autorité narrative", aider les marques à comprendre ce nouvel écosystème, les enjeux, comment les consommateurs l'utilisent et comment ils peuvent s'insérer là-dedans pour continuer à exister et travailler leur réputation.

(02:02) Amélie : Génial, félicitations.

(02:03) Sabrina : Merci. En gros, je suis un dinosaure du digital !

(02:09) Amélie : Moi je suis un dinosaure du recrutement, donc on s'entend très bien. Tu me dis que tu as débarqué en 2010 en Belgique. Ça s'est passé comment ? Tu connaissais déjà Olivier ? Vous aviez déjà un projet ?

(02:24) Sabrina : Non. À l'époque, je travaillais chez Skyrock (en France) et j'étais en charge de toute l'activité mobile et du business development. Skyrock, la radio, mais surtout la plateforme de blogs Skyblog à l'époque : plus de 22 millions de blogs, 6,5 milliards de pages, un gros mastodonte. Le gros de mon activité, je le faisais en faisant des deals avec les opérateurs téléphoniques et les constructeurs de téléphones. En 2005, pour que les opérateurs puissent vendre des forfaits data, il fallait qu'on puisse consommer de la data. Et pour consommer de la data, il fallait du contenu et des applicatifs. Une grosse partie de mon activité était basée là-dessus. J'avais aussi beaucoup d'activités de monétisation d'audience, de mise en place de partenariats en collaboration avec la régie de Skyrock.
À un moment, il fallait faire de la croissance. J'avais une équipe de 15 personnes, on faisait plus ou moins 3 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ils m'ont dit : "Et alors, comment on fait plus ?". J'ai dit : "Bah on va faire simple, on va passer la frontière !". Skyrock était présent en Belgique, la radio est captée aussi au niveau de la frontière. J'ai demandé au Country Manager de Skyrock, Charles-Laurent, de m'organiser un meeting avec les principaux opérateurs téléphoniques, ce qu'il a fait.

À l'époque, Olivier de Decker travaillait chez Mobistar (Orange aujourd'hui). Il était en charge notamment du lancement de la publicité. Nous nous sommes rencontrés le matin, puis nous sommes allés déjeuner. Comme je suis une épicurienne, nous avons très bien mangé, nous avons refait le monde en buvant du bon vin pendant plus de deux heures. À un moment, Charles me dit : "Je ne comprends pas, pourquoi tu ne lances pas une boîte ? Vu ton savoir, tu es sur la révolution du mobile, du social, on sent que ça bouge énormément". Je dis : "Ouais, mais tu sais, déjà ce n'est pas forcément toujours simple d'être une nana dans un milieu très masculin... Je ne me sens pas capable de le faire toute seule".
Et là, Olivier me regarde et me dit : "Écoute, on vient de passer deux heures, j'ai rarement eu une connexion aussi fluide intellectuellement avec quelqu'un". Il a pris une nappe en papier, il a fait une barre au milieu et il a dit : "Toi tu fais ça, moi je fais ça. Si on le fait ensemble, on cartonne". Il m'a dit : "Si on sort de table et qu'on ne se tape pas dans la main en disant 'on y va', on ne le fera jamais".
On s'est tapé dans la main. C'était un coup de tête... et un déjeuner un peu trop arrosé !

(05:08) Amélie : Belle histoire. Comme quoi !

(05:12) Sabrina : Je vais retourner déjeuner, moi ! En France, on fait énormément de business autour d'un bon repas et d'une bonne bouteille. Je suis restée dans ma continuité.

(05:22) Amélie : Donc B-Connect, le target c'était vraiment "agence digitale" ?

(05:27) Sabrina : Digitale, principalement sur réseaux sociaux et marketing mobile. Peu de SEO en toute objectivité. Quand on a lancé B-Connect, la maturité des plateformes comme Facebook ou Instagram était balbutiante. On faisait quoi concrètement ? On faisait des intégrations de jeux concours en iFrame. La pub commençait tout juste à arriver avec des grosses bannières sur le côté. On en était au tout début.
Progressivement, c'est devenu une plateforme clé, une plateforme de contenu. On a eu la chance de réussir à obtenir la confiance de grands groupes comme Nestlé, L'Oréal, des institutions. On a eu tout de suite des gros mammouths du marché qui nous ont fait confiance parce qu'on arrivait avec une vision. Le marché français avait plus ou moins 10 ans d'avance sur le marché belge au niveau de sa structuration mobile/data/écosystème et usage des réseaux sociaux. C'était assez facile pour moi de dire "il va se passer ça".
À l'époque, notre principal concurrent qui nous a vraiment aidés parce qu'il a fait énormément d'évangélisation sur le marché, c'était Social Lab. Ce qui est très drôle, c'est que maintenant on se lance dans l'AI Search et un des patrons de Social Lab, Gilles, se lance aussi. Les vieux de la vieille, on revient !

(07:00) Amélie : Pourquoi vous revenez ?

(07:01) Sabrina : Parce que justement, je pense qu'un des éléments clés, ce n'est pas tant une problématique de SEO (qui malheureusement est souvent le parent pauvre de la communication avec une dimension un peu trop technique). Le vrai enjeu, c'est un enjeu de communication, de brand reputation et donc avant tout de contenu. C'est notre métier. Notre job a été d'adapter le contenu et cette connexion entre les marques et les audiences grâce au mobile et au social. Là, on doit faire la même chose avec le conversationnel. On fait les grandes révolutions : mobile, social, et là, conversationnel / AI.

(08:08) Amélie : B-Connect, vous grandissez, vous attirez les mammouths et tout... Et puis il se passe quoi ?

(08:14) Sabrina : Il se passe que l'écosystème digital a mûri, a évolué. La verticalité qu'on avait au début ne se justifiait plus. Il y avait une nécessité d'être capable de faire une réponse end-to-end d'un point de vue digital et structurant pour les annonceurs. Ça faisait déjà presque deux ans que j'avais des discussions avec mon associé en disant : "Il y a deux options : soit on se fait racheter, soit on achète des boîtes. Mais là, on n'est plus capables d'amener la valeur et l'impact qu'on doit amener. Trop vertical, ça ne va pas." Nos clients nous poussaient aussi. Pour Nestlé, on faisait des campagnes 360, on localisait des plans de lancement spécifiques Belgique... on n'était même plus verticaux.
À partir du moment où on a lancé B-Connect, tous les principaux acteurs du marché sont venus frapper à notre porte en essayant de nous racheter. On a discuté avec tout le monde en 9 ans.
Il n'y avait jamais de projet. C'était un peu comme si on était la jolie danseuse qu'il fallait acheter pour mettre sur le gâteau. Je disais : "Mais les gars, vous faites quoi de mon équipe digitale ? De mon patron du digital ? Ah mais ça on verra !". Ah non, on ne verra pas. Vu mon caractère, tu me mets quelqu'un au-dessus de moi qui n'est pas légitime, ça ne va pas passer. Il faut penser une intégration. Ce n'est pas une lasagne une boîte. Si tu fais ça, tu te prends un mur. Et souvent, le digital n'était pas assez infusé au sein de ces structures.

À un moment, on s'est rapprochés d'Allium, notamment avec Raphaël. Ils nous avaient été recommandés par Gabriel et Nicolas de Semetis, puisqu'ils avaient eu la chance de faire l'exit avant nous. Ils nous ont dit : "Arrêtez de perdre votre temps, confiez ça à des professionnels, c'est un job à part entière." On a confié ça à l'équipe de Raf. Dans les discussions qu'il a eues, a émergé Intracto (avec Pieter Janssens et le fonds d'investissement Waterland). Il nous a dit : "Ce que tu me dis, je l'entends de l'autre côté. La stratégie, c'est d'acheter les meilleurs du marché, de prendre les experts du marché et d'ensemble construire une proposition end-to-end."
On les a rencontrés et effectivement, notre vision était la même. Cette approche d'identifier les pépites du marché, des boîtes qui nous ressemblaient en termes de taille et de structure. On a décidé de passer le cap. C'était nécessaire parce qu'il y avait ce besoin d'être plus capable de générer de l'impact.

(11:47) Amélie : Ça a duré combien d'années ?

(11:53) Sabrina : On a signé en 2019. Moi je suis sortie en juin 2022 et mon associé en mai-juin 2023.

(12:06) Amélie : Et en tout, l'aventure B-Connect ?

(12:08) Sabrina : De 2010 à 2022. 12 ans.

(12:15) Amélie : Et donc après, tu t'es lancée dans Pink Prime. C'était quoi l'histoire ? C'était vraiment communauté, impact ?

(12:24) Sabrina : Au départ, le prisme était de dire : il y a ce que j'appelle des écopreneurs, des entrepreneurs qui ont décidé de partir d'une feuille blanche et dès le départ d'avoir un modèle vertueux. Moi je suis une utopiste pragmatique. J'ai cette capacité à identifier les signaux faibles mais à voir comment concrètement ça peut s'appliquer. Une des vraies problématiques que j'identifiais, c'est que ces écopreneurs vertueux ne rencontraient jamais leur audience. Il n'y a pas d'endroit où ils pouvaient se connecter, raconter leur histoire, pourquoi ils avaient décidé de faire ça.
Le point, c'est que très vite les écopreneurs sont des entrepreneurs qui ont la tête dans le guidon, qui n'ont pas forcément le temps de venir aux événements. Cette partie-là était plus compliquée.
Au départ, je suis partie d'une réflexion sur ce qu'on appelle le "say-do gap" : les gens qui disent vouloir faire quelque chose et les gens qui font vraiment quelque chose. On parle toujours du triangle de l'inaction. Il y a trois parties :

  1. Les citoyens consommateurs. Ma première vision était de connecter les écopreneurs avec ces citoyens consommateurs pour qu'ils deviennent "consomm'acteurs".
  2. Les entreprises.
  3. Le gouvernement. Sur la partie gouvernement/politique/plaidoyer, il y a déjà The Shift ou Kaya qui font ça extrêmement bien.

Je me suis rendu compte que la dynamique citoyenne/écopreneur était très lourde et difficile à lancer. Donc on s'est recentrés sur la partie entreprise. Avec cette logique de dire : trouvons des façons d'activer les citoyens, mais en entreprise, parce que c'est là que le champ d'action et l'ensemble des petits pas peuvent vraiment donner une dynamique concrète.
Je suis partie là-dessus avec mon associée, Valentine Cossée (une de mes anciennes collaboratrices de B-Connect).
On a vu aussi que notre impact n'était pas assez important. Donc on supporte et on est bénévoles pour la CEC (Convention des Entreprises pour le Climat). Considérant qu'aujourd'hui, c'est le meilleur outil, validé auprès de 1400 entreprises en France. C'est un vrai parcours éprouvé qui embarque CEO et "Planet Champions" (souvent le responsable RSE) pour créer la transformation nécessaire pour que ces entreprises réinventent leur modèle d'affaires et définissent une feuille de route à visée régénérative.

(15:45) Amélie : Vous avez mis Pink Prime en "slow", c'est ça ?

(15:52) Sabrina : On s'est nous-mêmes mis en slow ! On continue tout ce qui est dans les tuyaux, je continue à faire des animations (par exemple une table ronde pour la sortie du livre Slow Marketing d'Anaïs Baumgarten). Mais je ne suis plus en démarchage concret. Parce qu'aujourd'hui, tu tapes à la porte des principaux patrons, ils te disent : "C'est pas le moment, le contexte n'est pas favorable". Donc je préfère concentrer l'effort avec la CEC où là je considère que c'est un vrai outil efficace, et mettre Pink Prime en slow. Et puis comme l'IA Search est arrivé... voilà. De toute façon, au-delà de 16h par jour, ça devient compliqué !

(16:34) Amélie : Raconte-moi ce nouveau lancement. Tu te sens surexcitée quand tu en parles !

(16:39) Sabrina : Ben ouais parce qu'en fait, quelque part, le monde sustainable... beaucoup de blabla mais peu d'action. Pour une personnalité comme la mienne, c'est un peu pesant. J'ai l'impression de tourner dans le vide. Et puis surtout, tu as l'impression d'être bloquée tout le temps, tu n'avances pas. Il manque de dynamique.
Et là, tu parles d'AI Search, les gens non seulement t'écoutent, mais ils sont prêts à dire "Oui on y va". Concrètement, ils comprennent. Ce matin, je discutais avec une institution, je leur disais : "En fait c'est génial, c'est un outil de ouf pour vous. Là vous allez avoir une capacité à converser avec les citoyens. Plutôt que de faire toutes vos communications que personne ne comprend, là on va devoir les digérer, faire en sorte que le citoyen comprenne concrètement ce qui se passe." Là je sens qu'on peut avoir un impact, donc ça me fait bien triper.

(17:33) Amélie : Le but c'est vraiment de convertir au niveau GEO les boîtes ? Ou accompagner ?

(17:40) Sabrina : En fait, un point important : ce n'est pas une agence. Dans le surréalisme belge, ceci n'est pas une agence. Ça, c'est posé.
On ne veut pas recréer une agence. On se positionne comme évangélistes et facilitateurs. En gros, notre job pour le moment, c'est d'expliquer : c'est quoi la révolution de l'IA au niveau du Search ? En quoi les comportements des consommateurs changent ? En quoi la relation avec la marque change ?
Concrètement, on fait des workshops avec différents niveaux. On est dans une logique de consulting. On a défini une méthodologie qui permet de bien appréhender sur quelle bataille conversationnelle on doit être. Parce qu'on ne peut pas être sur tout. On est dans un marketing beaucoup plus personnalisé, customisé.
On a imaginé un framework stratégique qui permet de bien identifier les questions clés auxquelles on doit répondre. Et après, réfléchir où est-ce qu'on y répond. Est-ce qu'on y répond sur son site web ? Ou est-ce qu'on y répond en dehors de son site web ?

Parce qu'en fait le GEO (Generative Engine Optimization), c'est :

  1. Mettre son site "AI readable". Il y a une partie technique. Il faut autoriser les moteurs à venir crawler ton site. Il y a une logique de structuration de data, de retravail complet de ton contenu. Ton contenu doit être fait avec des petits paragraphes courts (des "chunks") pour permettre à l'IA de digérer l'information très facilement. Tu dois avoir des tableaux, des bullet points, des FAQ, des liens vers des études, citer les auteurs... Il y a pas mal de choses à faire concrètement au niveau de ton site.
  2. Mais le GEO va bien au-delà. C'est aussi tout ce qui se passe au sens large sur le digital. Ce qui se passe sur les forums, sur Reddit, sur Wikipedia, dans les réseaux sociaux, au niveau des reviews, au niveau des RP (Relations Presse). Concrètement aujourd'hui, ne pas réfléchir à un vrai plan RP, et pas juste une liste de journalistes... Un bon RP doit être capable d'identifier le bon auteur, le bon média avec sa crédibilité et amener du contenu d'autorité.

On est vraiment dans cette logique d'accompagnement. Au-delà des workshops stratégiques, il y a aussi concrètement des playbooks. Ce sont des guides très concrets, customisés pour chaque marque. Tu as un playbook pour le contenu du site, pour la structure du site, pour la partie influence/UGC, pour la partie RP/réputation... C'est vraiment des guides. Notre job, c'est de nourrir l'annonceur, l'institution et l'ensemble des partenaires avec lesquels ils travaillent. C'est d'expliquer à l'agence Lead comment elle doit bien faire son boulot pour construire la plateforme de marque et nourrir la brand reputation. C'est expliquer à celui qui va faire les contenus comment il doit le faire et comment les métadonnées doivent être installées. C'est expliquer à une agence RP : "Ta liste c'est très bien mais c'est pas du tout ça qui m'intéresse, je veux que tu m'aides à identifier les bonnes personnes à activer".

(20:32) Amélie : Donc c'est vraiment de la coopération ?

(20:34) Sabrina : C'est ensemble, c'est en coopérant. Ce n'est pas en essayant chacun de se piquer du business. Ensemble, on peut accélérer. Et en plus, comme on est sur l'IA - on est en "mois 1" - on doit aller vite. Si on passe notre temps à nous quereller à "qui fait quoi ?", on va juste louper le coche. On est là pour nourrir, on est là pour éduquer, on est là pour coordonner, faciliter.
Et puis il y a tellement d'informations... c'est digérer l'information, faire la veille et renourrir. C'est faire cet accompagnement concrètement dans le temps.

(21:49) Amélie : Je te le disais, on utilise Semactic depuis un mois. En fait, ils étaient clients Jobulm et puis on est devenus clients Semactic. C'est hyper intéressant de voir toutes les recommandations, c'est très bien fait.

(22:12) Sabrina : C'est très bien fait, et c'est très bien fait avec des chouettes gens aussi. Le business c'est aussi une question d'humain. C'est très important de se retrouver en termes d'approche, de philosophie, de valeurs. C'est une très chouette équipe.

(22:28) Amélie : Moi j'avais rencontré Kevin à une soirée l'an passé au Réseau Entreprendre, juste quand j'étais dans la levée de fonds. Céline était ce matin en interview. La boucle est bouclée !
Tu as une énergie dingue. Qu'est-ce qui te drive au fait ? Qu'est-ce qui te fait te lever le matin ?

(23:08) Sabrina : En fait moi je suis quelqu'un, je suis toujours positive. Je suis une utopiste pragmatique. Donc j'aime me lever le matin en me disant : "Ouais allez, on va sur la lune, on verra bien !" J'aime les choses concrètes. En étant entrepreneur, j'ai la chance que mon job, c'est ce que je fais, moi. Les clients, c'est ceux que je décide d'avoir. J'ai la chance de tous les jours me lever le matin en laissant mon cerveau se barrer dans tous les sens. Pourquoi ? Parce que j'ai autour de moi, justement, un Olivier qui me cadre ! Comme j'ai une Valentine dans Seinch. Je ne suis pas capable d'entreprendre seule. Je vais droit dans le mur. J'ai besoin d'être cadrée, d'être mise en question. Quand on me dit "Bulteau, je comprends pas ce que tu dis", OK bon ben je retourne. J'ai vraiment besoin de ça.

(24:43) Amélie : C'est quoi ton ambition là aujourd'hui ?

(24:48) Sabrina : C'est en mode conseil. Un des enseignements aussi de Seinch ou B-Connect, c'est que les business reposent trop sur la personne. Et donc là, modèle conseil, framework, guide : capacité plus rapide à déployer et à scaler. Puisque tu vas vendre des méthodos, des approches. Et je te dis, tu vas gagner énormément de temps en n'essayant pas de piquer du business à tout le monde.
Par exemple, dans la réflexion d'IO, de Peter Janssens, c'est un des trucs que j'avais adoré. Il a dit : "Là où vous passez 90% de votre temps à batailler pour récupérer une partie du budget de l'agence, si vous faites partie du même groupe, toute cette énergie-là, vous allez la mettre au service de l'annonceur plutôt qu'à essayer de piquer du business aux autres." Eh ben même logique. Bon sens.

(25:42) Amélie : Tu t'es pris des grosses claques ?

(25:44) Sabrina : Avec Seinch, je pensais que ça allait mieux fonctionner, donc une bonne claque là-dessus.
Après, je dis toujours que toute expérience est bonne à prendre. Tu apprends plus de tes erreurs et des trucs un peu plus durs.
Quand on a perdu L'Oréal, c'était une claque. En gros, on a perdu L'Oréal parce qu'on ne pouvait pas répondre à l'appel d'offre, parce que c'était devenu un appel d'offre européen et qu'on était trop petits. C'était une claque. Tu te dis "Merde, on est trop petits, on ne peut plus jouer, on est bien dans notre cour belge". Ma maman était institutrice et quand j'étais en maternelle, je passais mon temps à ne pas être dans la classe de mon maître ou de ma maîtresse, j'allais voir ma maman. L'école maternelle, et derrière il y avait l'école primaire. Je rêvais de passer dans l'école primaire. C'était une de mes missions. "Pourquoi je suis dans la petite cour alors que je pourrais être là, moi ?" Même sentiment de frustration.

Et autre grande claque, c'est la désintégration de B-Connect au sein d'IO.
Parce qu'en fait, ils ont acheté des experts. C'est hyper dur. Mais à un moment j'ai dû prendre une coach parce que je ne voulais pas l'avouer, mais j'ai dû faire un deuil. Ça c'était dur. Ce qui faisait la valeur de B-Connect, c'était les gens qui travaillaient, c'était l'expertise qu'on avait développée. Et quand moi je suis partie, il restait 2 personnes de B-Connect sur 25. Problème d'alignement, de culture, de valorisation de l'humain aussi. Les équipes d'IO sont des gens brillantissimes, mais culture francophone / néerlandophone, c'est pas la même culture, tu ne vis pas de la même façon.
Vous avez sous-estimé ?
Complètement. Complètement parce qu'en fait, j'étais tellement rassurée par les discussions qu'on avait eues avec Peter ou même Sam du fonds d'investissement, par le fait qu'ils nous disaient : "Non non mais moi je ne veux pas être juste un groupe néerlandophone flamand, je veux du multiculturel et je pense que la culture francophone amène quelque chose". J'avais rencontré d'autres boîtes. Quand je parlais aux patrons, je me disais il n'y a aucun souci pour bosser avec toi. On voyait tout de suite les connexions.
Mais c'est comme un mariage, hein. Tu vois, en 2 heures de meeting... "Ah ouais mais attends, j'ai, ah ben non mais attends on va faire ça". Donc je ne m'attendais pas à ce que ça donne ça.

(28:38) Amélie : Tu referais les choses autrement ?

(28:44) Sabrina : Je referais les choses autrement. Oui. J'embêterais... Je pense que c'est aussi lié aux agences avec lesquelles on a fusionné au niveau bruxellois. Où les cultures étaient trop opposées au départ pour nous faire fusionner. Et je pense que j'aurais sans doute été taper... Je suis un peu courbé l'échine et j'ai dit allez on va y arriver, c'est pas grave, on laisse faire. Et j'aurais peut-être été plus haut taper en disant "Il y a un souci Peter, on ne peut pas fusionner avec ces gens-là, il y a une culture qui ne fonctionne pas. Il faut nous mettre dans une dynamique peut-être autre". Si tu veux garder ce que tu as entre guillemets, cette logique de pépites, si tu ne veux pas qu'elles s'éteignent, recréons un écosystème qui est favorable à ça en fait.
Mais par contre, je sais que B-Connect, comme je te le disais d'un point de vue stratégique, seule en verticale ne faisait pas sens. Donc je ne l'aurais pas gardée ex nihilo comme ça, je ne l'aurais pas gardée seule. Il fallait juste préserver ta pépite et pas la désintègrer.
Ouais, ouais. Mais c'est aussi parce que c'est un groupe qui a grandi très très vite. Nous on faisait partie des 5-6 premières boîtes. Je crois que maintenant ils sont près de 3000 personnes. C'est un mastodonte quoi. Donc oui de fait ça, c'est compliqué. Tu as l'habitude d'être dans une petite vedette, un petit bateau hyper rapide, et puis là tout d'un coup... hop... Il y a beaucoup d'inertie. Et moi, tu vois par exemple, je m'en fous de la marque de café. Passer une demi-heure avec 5 managers pour ça, je trouve ça totalement débile et donc ça m'énerve, donc j'écoute plus. Donc c'est contre-productif.

(30:40) Amélie : Comment tu grandis, toi ? Comment tu te développes, comment t'apprends ?

(30:49) Sabrina : Je m'auto-forme beaucoup. Tu vas sur le web, tu lis des white papers, tu regardes des webinars. Et puis discuter avec des experts en fait. Ça j'aime beaucoup. Je trouve que souvent quand tu discutes avec quelqu'un, ça résonne beaucoup plus. Donc ouais, tu continues à te former, à apprendre. Sur l'AI Search, c'est tout nouveau, je ne vais pas dire que je suis la plus grande experte du marché. Mais ça fait plusieurs mois que je me nourris, j'ai une capacité à apprendre vite aussi.
C'est la même chose en fait dans l'absolu. Et après je me nourris... Moi tant que je m'amuse, que je suis libre, que je fais ce que je veux et que je ne dois pas faire des courbettes toutes les deux minutes pour expliquer à quelqu'un ce qui se passe dans ma tête (ce qui est très compliqué pour moi), tout se passe bien. J'ai beaucoup de mal à justifier. Je suis quelqu'un de très intuitif et donc je vais dire "il faut faire ça". Et quand on me dit "pourquoi ?"... Je ne peux pas comprendre le cheminement qui s'est passé dans mon cerveau. Laisse tomber, fais-le.

(32:01) Amélie : Quelles sont, est-ce qu'il y a vraiment des grandes leçons entrepreneuriales ou business que tu as apprises ?

(32:12) Sabrina : Tout est une question d'hommes et de femmes. C'est vraiment ça. En fait le business c'est une question d'hommes et de femmes avec qui tu travailles. Et faut pas essayer de te travestir et de prendre l'image, la culture de quelqu'un d'autre, ça ne marchera pas. Tu peux t'arrondir, attention, il ne faut pas être hermétique. Mais voilà, il faut marcher avec les gens avec qui tu as envie de marcher et pas juste suivre parce que tu dois suivre. Sinon ça ne peut pas fonctionner. En tout cas avec des profils comme moi.

(32:43) Amélie : Tu as des bouquins, des blogs, des articles à conseiller ?

(32:47) Sabrina : Oui et non. Je ne suis pas un blog en particulier. Un bon bouquin, mais pas sur le Search, mais sur le Slow Marketing, celui d'Anaïs. Parce qu'il est très très bien fait. Anaïs Baumgarten, sur le Slow Marketing. Ça c'est un très très bon bouquin que je recommande à tout le monde.
Mais autrement, non, en bouquin pur et dur... Là tu vois par exemple sur l'AI Search, ça sert à rien de lire des bouquins. Ce qu'il faut c'est lire plein de blogs d'experts, sinon ils sont dépassés le temps qu'ils sortent.
Donc je pense que ce qu'il faut c'est se nourrir et en fait dans ta tête aussi ne pas faire du silotage d'information. Parce que tu pourrais considérer qu'il faut juste bien comprendre comment la technique fonctionne. Non, la technique est un outil au service de. Il faut d'abord comprendre : OK, ça interagit comment ? Comment le consommateur l'utilise ? En quoi c'est rentré dans son quotidien ?
Toi quand tu as OpenAI qui annonce sur les dernières semaines l'Instant Check-in. Donc ça veut dire que clairement, on n'est plus juste sur de l'intention, de la recommandation, mais on est sur de la conversion. Ce qui veut dire que les gens, les yeux fermés, vont acheter ce que recommande la plateforme.
De deux, ils lancent Pulse parce qu'ils veulent entre guillemets à terme devenir comme en fait l'interface de connexion première au web. Donc tu vas avoir un peu comme à l'époque les portails Yahoo, etc. Des petites cartes qui te seront présentées en fonction de ta custom.
Quand je vois ça, quand je vois qu'ils lanceront Sora avec qui est un équivalent de TikTok avec du contenu, tu te dis mais en fait ça touche à tout. Et tu vois, c'est un peu comme à un moment le mobile et le social, c'était plus juste le petit outil. C'était partout, dans tout. Et donc ça veut dire que tu dois te nourrir de tout.
Et par exemple, moi le matin, le podcast que j'adore et que j'écoute tous les matins, je prends ma petite douche, c'est Le Brief de l'Écho. Ça, je trouve que pour avoir les grandes infos éco, c'est très bien. Tu prends ça le matin. Après tu vas écouter un podcast vertical sur tel truc, tu vas lire un white paper, etc.
Pour moi en fait, il faut être multimodal aussi dans ta propre façon de te nourrir. Et considérer qu'en fait, et c'est l'avantage d'être dans le digital, rien n'est acquis. Ce qui est vrai aujourd'hui va changer demain, il peut y avoir un grand bouleversement...
Moi je me rappelle à l'époque chez Skyrock quand Facebook a débarqué. D'une réunion, je me revois exactement où j'étais dans la salle même, avec la direction... Tu as tous les mecs qui font : "Ah mais regarde, y'a peut-être un truc qui s'appelle Facebook". "Non mais attends. On a une position dominante. On s'est jamais fait déboulonner par qui que ce soit. Tu crois vraiment que Facebook va nous atteindre ?".
Bah... je réfléchirai parce que effectivement ça peut arriver. Et qu'est-ce qui s'est passé ? C'est voilà. Donc voilà. Ils étaient persuadés d'avoir une position dominante et que rien ne pouvait les atteindre. C'est une erreur. Donc voilà, faut jamais considérer que c'est acquis.

(35:52) Amélie : Non, clair. Écoute, on va prendre ça comme mot de la fin.

(35:56) Sabrina : C'est un beau mot de fin.

(35:58) Amélie : Sabrina, merci de nous avoir consacré un peu de temps. C'était canon.

(36:00) Sabrina : Avec grand merci. Grand merci à vous aussi.

(36:03) Amélie : Merci beaucoup.