Épisode #3
Du hangar aux 40% de parts de marché : l’art de manager des commerçants, pas des employés
avec Marc Van Cutsem IHPO

avec Marc Van Cutsem IHPO

Manager des employés ? Non. Former des commerçants. La claque IHPO.
Cette semaine dans WIP Club, on a tendu le micro à Marc Van Cutsem, CEO d’IHPO, le discounter électroménager qui cartonne… en mode hangar, zéro déco, 100% bon sens terrain.
Et honnêtement, cette conversation, c’est une claque.
Pas de discours corporate, pas de “visions stratégiques” qui durent 40 slides.
Juste un patron qui assume : « Chez nous, on ne cherche pas des employés. On cherche des commerçants. »
Et derrière cette phrase, il y a tout :
Marc raconte comment il a repris une entreprise où les équipes attendaient “les ordres”… et comment il a tout retourné pour recréer une culture vivante, engagée, où les gens se bougent vraiment.
C’est brut, c’est honnête, c’est inspirant.
Et ça parle à tous ceux qui galèrent à recruter, à motiver, à retenir !
🔗 LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/marc-van-cutsem-3686831/

Amélie : Si je peux te demander de te présenter un peu ?
Marc :Oui, moi j'ai 60 ans cette année, c'est un cap quand même assez important, si j'ai du mal à me le mettre dans la tête. J'ai un parcours peut-être un petit peu atypique, j'ai fait des secondaires très facilement, j'étais plutôt doué mais probablement pas très mature. Et donc, arrivé à l'université, les choses ne se sont pas bien passées et donc je suis rentré dans la vie active sans diplôme. Et puis par bonheur, un petit peu par chance, je suis tombé dans un secteur d'activité. Au départ, pour lequel j'étais fait et dans lequel j'ai pu grandir très rapidement, devenir patron de société finalement très très jeune. Et avoir finalement tout un parcours entrepreneurial avec des périodes absolument formidables et des moments extrêmement difficiles comme beaucoup d'entrepreneurs. Et donc voilà, quand je fais le bilan et que je regarde un petit peu en arrière, je suis en tout cas content du parcours.
Amélie : IHPO, tu veux nous présenter rapidement ce que vous faites ?
Marc : Alors donc, IHPO est un 'discounteur' de grandes marques d'électroménagers. Sur Bruxelles et le Bramant Wallon, on est une institution. On s'est rendu compte dernièrement qu'il y avait certaines communes où on avait presque 40% de parts de marché. Donc c'est vraiment très très important. On souffre un petit peu sur Bruxelles d'une image faussée parce que tout au début, en 1988, IHPO était une enseigne qui ne vendait que des appareils de second choix. C'est-à-dire des appareils avec des coûts et des griffes. Et IHPO reste connu très fort à Bruxelles pour cet aspect de notre activité.
Amélie : Je t'avoue que moi, c'est comme ça que je le vois...tu vois, comme quoi, on fait bien.
Marc : La plupart des gens, malheureusement, et en fait, ce n'est plus du tout le cas. Donc IHPO, aujourd'hui, c'est trois couches de bonnes affaires. La première couche de bonne affaire, c'est qu'on est une entreprise ultra low cost. Nos magasins sont des hangars. Il n'y a pas d'air-co, il n'y a pas de chauffage, il n'y a pas de présentoir. Le stock est en vente. Le stock est en vrac. Petite anecdote, par exemple, même les modèles d'exposition, au lieu de les déballer complètement, on ne retire que la face avant de l'emballage pour que le produit reste protégé et qu'on puisse encore le vendre. Donc voilà, on est vraiment à la recherche de la moindre économie. Donc ça, c'est la première couche de bonne affaire. C'est-à-dire qu'on travaille avec moins de marge que les autres parce que nos coûts sont beaucoup plus faibles que les autres. La deuxième couche de bonne affaire, c'est qu'on achète des lots. Donc à peu près la moitié de ce qu'on vend sont issus de lots. Alors, il y a encore... Il y a encore un petit peu d'appareils de second choix, mais ça représente moins de 5% de ce qu'on vend. Donc c'est même quasi négligeable. L'essentiel de ce qu'on vend en termes de lots, c'est des fins de série, dans certains cas. Mais bon, quand on a une machine à laver de fins de série, ce n'est pas aussi important qu'un téléphone de fins de série. On n'a pas changé nos vies. Fins de série et beaucoup de déstockage, en fait. Il faut savoir que quasi tous les autres acteurs sont des grands acteurs internationaux. Et donc, ils achètent des programmes à l'année. Ils achètent des dizaines ou des centaines de containers. Et puis, ils changent la vie. Et donc, ces containers traînent, entre guillemets. Et nous, on parvient à les racheter à des prix intéressants et donc à proposer des bonnes affaires à nos clients. Donc ça, c'est à peu près la moitié de notre assortiment. Et la troisième couche de bon affaire, c'est qu'on affiche nos prix en port magasin. Et 75% de nos clients emportent leurs marchandises eux-mêmes. Alors, ça va de 90% des gens emportent leur table de cuisson, 50% emportent leur grand frigo. Mais dans l'ensemble, 75% des gens emportent leurs marchandises. Et donc, ils ne payent pas les frais de livraison là-dessus. Or, les frais de livraison dans notre secteur d'activité... Dans notre secteur d'activité particulier sont hors de prix. Il faut deux hommes, il faut un camion. C'est un enfer de circuler. Donc, ça coûte très, très cher. Et donc, voilà. Donc, c'est trois couches de bonnes affaires qui s'additionnent et qui nous permettent d'être les moins chers du marché. Après, il y a des gens qui choisissent dans les frigos, par exemple, une sur deux demande qu'on livre. On livre. Alors, on ne sera pas aussi moins cher que dans d'autres cas, mais on restera moins cher quand même sur le marché.
Amélie : Vous dites... Enfin, en préparant un petit peu le podcast, j'ai entendu... Donc, on ne cherche pas des employés, mais des commerçants.
Marc : Oui. Alors, il faut revenir un petit peu en arrière pour...
Amélie : Ma sous-question, juste, je t'interromps rapidement, mais c'est... Ça a un impact dans votre manière de recruter, d'identifier les candidats ?
Marc : Alors, ça a un impact, bien sûr, sur la manière de recruter les candidats. Ça a surtout un impact majeur sur le mode de management. Mais je pense que pour comprendre bien, il faut revenir un petit peu en arrière. Moi, j'ai passé les 25... Premières années de ma carrière dans le secteur du conseil en communication. D'accord. Donc, essentiellement, tous les métiers périphériques à la publicité. C'est un métier dans lequel on n'a rien d'autre à vendre que la qualité et la motivation de son personnel. Aujourd'hui, je vends des machines à laver. Donc, il y a quand même... Les gens viennent pour acheter une machine à laver. Si mon personnel est plus ou moins bon, ça va avoir un impact sur mon chiffre. Mais évidemment, pas aussi important que quand on vend du conseil ou si le personnel n'est pas bon ou pas motivé. On ne vend rien. Donc, je me suis formé dans ce secteur. J'ai grandi. J'ai grandi dans ce secteur. J'ai commencé à manager dans ce secteur dans lequel, finalement, l'équipe, c'est l'actif principal de l'entreprise. En fait, c'est tout. Et donc, en tant que manager, j'ai vraiment été formé et inspiré par le fait que mes employés, c'est l'élément le plus important de l'entreprise. Et donc, je bascule maintenant sur IHPO. Je reste dans cette culture-là. C'est-à-dire qu'on est une petite entreprise. On a des petites équipes en magasin. On n'est pas une entreprise verticale. C'est une entreprise très flat. Et donc, il était hors de question dans nos magasins d'avoir un responsable, entre guillemets, autoritaire et qui forme et maintient les équipes en place. Non, nous, on a besoin de gens qui viennent travailler avec une mentalité d'indépendant, mentalité de freelance quasi, une mentalité de commerçant. Moi, ça ne m'intéresse pas d'avoir un employé. Je n'ai pas besoin d'avoir un employé en magasin qui attend les instructions parce que je ne suis pas à côté de lui et que je n'ai pas une structure managériale pour lui donner des instructions en permanence. J'ai envie d'avoir des commerçants qui s'attribuent le magasin, qui considèrent que c'est leur magasin, qui sont contents d'arriver au magasin le matin, contents de le mettre en ordre, contents de voir les nouveaux produits qui arrivent, de bien les placer en magasin. Et puis, surtout, contents de s'interrompre quoi qu'il fasse parce qu'il y a un client qui rentre et que les clients, il faut l'accueillir. Il faut le conseiller, il faut le servir. Donc, cette mentalité de commerçant qui est à l'opposé de l'air du temps, je tiens vraiment à le préciser. Cette mentalité de commerçant, c'est vraiment ce qui fait notre différence. Alors, je ne dis pas que c'est le cas de tout le monde, tout le temps, mais je suis assez fier de croire que les trois quarts des personnes qui travaillent chez IHPO sont vraiment dans cette culture et finalement aiment IHPO pour ça.
Amélie :C'est combien d'employés, IHPO ?
Marc : C'est une cinquantaine d'employés.
Amélie : Et vous identifiez ça dans vos processus de recrutement ?Marc : Sur notre site internet, il est marqué qu'on ne cherche pas des employés, qu'on cherche des commerçants. Donc, on donne le ton dès le départ. Il faut savoir que, notamment chez les jeunes, on recrute beaucoup, beaucoup de jeunes chez nous. On voit quand même beaucoup de jeunes relativement peu formés parce que ça fait partie aussi de notre... de notre ADN et qui arrivent chez nous avec un positionnement très passif. Et ces gens-là ne fonctionnent absolument pas dans notre entreprise parce que, justement, nous, ce qu'on a besoin, c'est des gens qui ne tiennent pas en place, des gens qui ont envie de bosser, etc. Et donc, on le voit bien. On a lancé toute une campagne de recrutement à Liège. On ouvre deux magasins. On a ouvré déjà à Herstal. On va ouvrir bientôt dans le centre de Liège. C'est une région dans laquelle on n'est absolument pas du tout. Donc, c'était pas facile de recruter. Et donc, on a lancé une campagne de recrutement. On a eu une cinquantaine de CV. C'est une petite campagne. C'est à notre image. On a eu une cinquantaine de CV. On était très contents. Pardon, on a gardé 50 CV à qui on a répondu en disant, voilà, votre profil nous intéresse. Voilà comment se passe le processus de recrutement. Ce n'est pas une interview. C'est un test de vente. Donc, vous allez recevoir quatre pages. On vous explique comment on voudrait que vous accueilliez un client. Comment vous devez conseiller quelqu'un sur une machine à laver. Ce n'est vraiment pas compliqué du tout. C'est à la portée d'un élève de secondaire. Mais on vous demande vraiment de faire l'effort de l'apprendre. Mais sur ces 50 personnes, on n'en a plus que 16 qui finalement disent oui, je veux bien venir à la journée de test de vente. On passe du temps avec eux au téléphone pour bien les motiver, bien leur expliquer comment ça se passe. On va se dire que c'est bien. C'est vraiment simple. C'est un jeu de rôle. Et que s'ils ne sont pas tout à fait prêts, ce n'est pas grave. On va les entraîner encore sur place. Mais on leur demande quand même de travailler une heure par eux-mêmes. Et on leur explique bien. Si tu travailles chez nous après, il y aura en permanence des nouveaux produits. Tu devras en permanence apprendre des nouvelles choses. Donc, montre-nous que tu peux apprendre par toi-même. Donc, sur les 16, il n'en reste plus que 12. Avec qui on les appelle encore la veille pour bien vérifier qu'ils viennent, qu'ils sont bien motivés, qu'ils ont travaillé. Oui, oui, oui. Le jour même, il n'y en a plus que 6. Les 6 autres ne préviennent même pas. Donc, il n'en reste plus que 6 pour l'interview. Miracle, les 6 sont bien. Ça, je n'ai jamais eu. On a 6 vraiment très bons profils. Là-dedans, il y en a une qui est vraiment fantastique en termes d'état d'esprit, etc. Mais qui n'a absolument pas travaillé. Donc, on lui explique. Voilà, on ne peut pas te garder. Mais s'il te plaît, refais l'effort. Travaille ce test de vente. Reviens nous voir. On a vraiment envie de t'engager. Mais tu dois d'abord montrer que tu as envie de travailler pour nous. Bon. On n'en a plus jamais entendu parler. Donc, il n'en reste plus que 5. Sur les 5, on les rappelle tous en disant on a envie de travailler avec vous et tout. Il y en a une qu'on ne parvient plus jamais à avoir en ligne. Répond plus aux mails. Disparu. J'espère qu'il ne lui est rien arrivé. Donc, il n'en reste plus que 4 qu'on engage tous les 4. Parce qu'on a vraiment besoin. Et sur les 4, finalement, il y en a un avec qui on ne peut pas garder. Qui est le plus jeune. Qui est celui qui n'avait aucune expérience professionnelle. Justement parce qu'il reste dans un... Dans un état. L'esprit très passif. Très à attendre qu'on lui dise ce qu'il doit faire. Alors que les autres qui sont, par exemple, des gars qui ont travaillé dans l'horeca. Qui sont des personnes qui ont l'habitude de bouger. L'habitude d'être tout le temps actif. Avec eux, ça se passe formidablement bien. Mais donc, voilà. On part de 50 CV qui les 50 nous intéressent. Avec lesquels on a envie de travailler. Pour terminer avec 4 commerçants qui sont encore là. Donc, voilà.
Amélie : C'est du taf. Le recrutement, c'est quelque chose. Et qu'est-ce qui fait que... C'est quoi votre ADN tellement particulier au fait de votre culture ?
Marc : Donc, en fait, moi, je suis toujours surpris d'entendre les syndicats. Alors, je préfère... Je dis que je n'ai jamais travaillé en direct avec des syndicats. Je parle de ce que l'on entend dans la presse. Que ce soit au niveau des syndicats. Ou même de certains partis politiques. Qui présentent le travail de manière fondamentalement négative.
Amélie : Surtout pour les jeunes.
Marc : Surtout pour les jeunes. Alors, il ne faut pas s'étonner que les jeunes qui arrivent dans le milieu du travail. Et notamment les jeunes les moins éduqués. Arrivent en n'ayant pas tellement envie de travailler. Moi, c'est ce que je constate au quotidien. Et je ne comprends pas, en fait, ce discours. Je ne dirais pas l'essentiel de notre vie d'adulte à travailler. Donc, ne pas... Ne pas s'investir dans son travail. Ne pas être impliqué dans son travail. C'est littéralement passer à côté de sa vie. Donc, pour moi, c'est hors de question, en fait. De ne pas être engagé dans son travail. Les nouveaux commerçants qui nous rejoignent. Je prends toujours la peine d'aller tester un peu. D'aller discuter avec eux. Sentir un peu ce qui passe. Et quand je vois que c'est des personnes un peu passives. Je leur explique ça. Je leur motive. Quoi que tu fasses. Fais-le à fond. Si tu fais la fête. Enfin, on ne vit qu'une fois. Donc, quoi que tu fasses, donne-toi à fond. Et si le boulot chez IHPO, après un an ou deux, tu te dis, j'ai vraiment fait le tour. Et j'ai envie de changer. Mais que tu t'es donné à fond. Ça veut dire que pendant deux ans, tu as appris plein de choses. Et c'est formidable. Tu pourras après prétendre à un job qui est plus intéressant. Et ça, je trouve ça fantastique. Je trouve que c'est le rôle social de l'entrepreneur. Le rôle social du patron d'entreprise. Mais surtout, je pense que les gens qui bossent doivent s'impliquer dans leur job pour ne pas passer à côté de leur vie.
Amélie : Ça te vient d'où, pardon, toi, ce fait que tu veux être autant impliqué et défini par le travail ?
Marc : Je ne suis pas défini par le travail. Le travail est une partie de ma vie. J'ai la chance d'avoir beaucoup d'activités en dehors. Mais bon, le travail est quand même une activité extrêmement importante, ne fût-ce qu'en temps. Et donc, pour les raisons que je viens d'évoquer, je pense que c'est absurde de passer à côté de ce volet de la vie-là. Maintenant, ça vient d'abord de la première partie de ma carrière professionnelle. 25 ans dans le secteur du conseil en communication, qui est un secteur très engagé. C'est un secteur de créativité. Donc, on met son âme dans la créativité. On se lance dans des choses. C'est aussi un secteur qui repose sous le project management. Moi, j'étais dans la promotion des ventes. La promotion des ventes, c'est de la créativité. Mais de la créativité dans le cadre des lois sur les pratiques du commerce. Donc, ce n'est pas de la créativité débridée. C'est du concept. C'est de l'inventivité. C'est de trouver des nouvelles mécaniques, des nouveaux trucs qui font qu'on en parle, qui font que les gens ont envie de s'y intéresser, qu'ils ont éventuellement envie d'acheter. Et puis, ce sont surtout des choses qui demandent de la logistique, de la mise en place, etc. Par exemple, quand on fait du guérilla marketing, c'est très beau d'avoir des idées. Très débridées, comme au cinéma. Mais dans la vraie vie, on n'a pas de figurant, on n'a pas de cascadeur. Donc, il faut que les choses soient vraiment réalistes. Donc, cette combinaison entre les deux nécessitait d'être vraiment très, très engagé dans son job. Donc, j'ai grandi là-dedans. J'ai grandi avec un père extrêmement, extrêmement engagé, ancien résistant, etc. Donc, c'est une valeur qui est très, très importante pour moi. Et puis, c'est peut-être une vision assez romantique de la vie. En fait, finalement, de vouloir vivre sa vie de manière, je ne vais pas dire intense, parce que c'est peut-être un peu excessif. Mais en tout cas, de vivre sa vie, la vivre pleinement. Et donc, oui, je pense que vivre pleinement son job, que ce soit un petit job ou pas. L'anecdote, c'est que moi, je suis souvent dans mes magasins. Et je vais à la toilette comme tout le monde. Et une fois de temps en temps, je nettoie la toilette. Et je vais la nettoyer parfaitement. Parce que ce qu'on fait, quoi qu'on fasse, les petites tâches comme les grandes, je trouve que ça mérite d'être fait impeccablement. C'est ma vision.
Amélie : Je comprends. Tu laisses beaucoup d'autonomie aux employés ?
Marc : Quand on parle de commerçants, c'est fatalement des gens dont on espère et dont on attend qu'ils aient beaucoup d'autonomie, beaucoup d'initiatives. Donc, oui, de toute façon, on n'a pas le choix. On a 15 magasins. C'est des équipes petites. En général, ils sont 2, 3, 4, 5 en magasin. Ça tourne. Donc, on n'a pas nécessairement un responsable. Alors, on en a un qui est plus ou moins désigné responsable. Mais fondamentalement, c'est plus une culture de bureau d'avocat où tout le monde est plus ou moins au même niveau. Chacun apporte sa compétence. Donc, oui, évidemment, un maximum d'autonomie. Et c'est ça, d'ailleurs, qui rend la chose à la fois complexe et intéressante. En termes de management, c'est que ce qu'on constate, même dans le recrutement, oublions Liège, qui est un cas particulier. On en a engagé quatre et on en a gardé trois. Et c'est vraiment formidable. Ils sont tous les trois bien. C'est rarement le cas. Normalement, on a deux tiers de déchets, entre guillemets, de personnes avec qui ça ne se passe pas bien quand on engage. Pourquoi? Parce qu'on peut apprendre beaucoup de choses aux gens. On ne peut pas leur apprendre à être commerçant. C'est un état d'esprit que l'on a. Ou que l'on n'a pas. Que l'on peut éventuellement améliorer ou quoi que ce soit. Mais il y a des gens qui ont envie d'être actifs, envie de bouger tout le temps. Et si ce n'est pas le cas, c'est extrêmement difficile de leur apprendre. C'est peut-être faisable par l'exemple, mais comme on n'est pas à côté d'eux, ce n'est pas le cas. Et donc, ce qu'on constate, nous, c'est que deux tiers d'échecs dans les personnes avec qui on commence à travailler. Par contre, dans le tiers restant, il n'y a personne qui s'en va. Ou très, très, très peu s'en vont. Pourquoi? Parce qu'ils aiment bien, justement, ce côté je suis autonome, je suis responsable. C'est souvent des personnes qui ont eu des parcours, pas toujours, mais on en a certains qui ont eu des parcours un peu difficiles à l'école, etc. Et là, tout à coup, ils trouvent un secteur d'activité dans lequel ils réussissent, dans lequel ils sont responsables, dans lequel ils gèrent de l'argent, du stock, des clients, des problèmes de temps en temps, du service après-vente, etc. Et dans lequel on leur fait confiance. Et donc, ces personnes là, s'épanouissent terriblement chez IHPO.
Amélie : Et justement, des profils jeunes qui n'ont pas vraiment d'expérience, avec une très grosse autonomie. Comment tu fais pour qu'ils rentrent justement dans ce, entre guillemets, moule commerçant? Il y a un gros accompagnement formation ou un onboarding vraiment développé? Ou c'est quoi le process?
Marc : Alors, il y a des formations techniques. On multiplie effectivement les formations. Et entre parenthèses, ce qu'on fait toujours, c'est après une semaine en magasin. Donc, c'est de la formation sur le terrain. Mais bon, on a des, entre guillemets, syllabus. Bon, c'est chaque fois des petits catalogues de quelques pages. On les envoie aussi aux formations fournisseurs, etc. Mais après une semaine, on leur dit OK, maintenant, tu retires ton t-shirt IHPO ou quoi que ce soit. Et tu vas dans la grande enseigne très connue là en face. Et tu vas faire semblant d'acheter un frigo ou une machine à laver. Et tu regardes ce qui se passe. Et ils reviennent et ils ont le sourire jusqu'aux oreilles. Parce qu'ils disent, attends, à trois comptes, j'ai passé un quart d'heure dans le magasin. On ne m'a même pas dit bonjour. Il n'y a personne qui est venu chez moi et tout. Alors que chez Hippo, on dit aux gens, le client, c'est la chose la plus importante. Donc, nous, on accueille les clients. C'est bienvenue à la maison. Bonjour, bienvenue chez IHPO. C'est vraiment un élément très important. Donc, ils sont déjà contents de voir que, oui, finalement, le sens de l'accueil. Tout à coup, ils se rendent compte à quel point c'est essentiel. Et puis surtout, ils se disent, mais attends, moi, ça ne fait qu'une semaine que je suis là. Et je connais déjà beaucoup, beaucoup mieux les machines à laver que la personne qui m'a conseillé en face de moi. Et donc, il y a une vraie fierté pour les personnes qui parviennent justement à comprendre que ça vaut la peine de s'impliquer. Que ça vaut la peine d'apprendre. Que la nouvelle machine à laver qui rentre, elle ressemble à l'autre. Mais en fait, ce n'est pas du tout la même. Qu'il y a maintenant un mélange au savon à tel endroit. Et que ce mélange au savon permet d'éviter qu'il y ait du savon qui reste dans un champ. Dans un chemisier un petit peu de qualité. Ou dans un body où le savon va créer des allergies sur la peau du bébé, etc. Enfin, c'est tous des trucs. Dans une machine à laver, c'est un des appareils avec lequel il y a le plus de technologie dans votre maison. Donc une fois que, et même dans un frigo ou quoi que ce soit. Une fois que le vendeur a compris ça, le conseiller a compris ça, le commerçant a compris ça. Finalement, il devient fier en fait de tout ce qu'il acquiert. Et il a envie de le partager.
Amélie : C'est cette fierté, etc. que vous développez pour retenir les employés. Parce qu'il y en a beaucoup qui partent vite. Et beaucoup qui restent très longtemps.
Marc : Oui, ceux qui partent vite, on ne les rejette pas. Puisqu'en général, ils partent vite. C'est en général nous qui leur demandons de partir. Oui, les autres, il y a... Alors, on a aussi des anecdotes amusantes. Quand j'ai repris la direction de IHPO, fin 2016. La culture d'entreprise n'était absolument pas du tout la même. Et donc, il y a certains employés avec qui ça s'est mal passé. Et je pense notamment à l'un d'entre eux. Avec qui on s'est vraiment fâchés. Et donc, le gars est parti en claquant la porte. Vraiment très fâché. Et il est revenu deux ans plus tard. Et il est revenu deux ans plus tard. Il a dit, écoute, en fait, maintenant je comprends ce que tu me racontais à l'époque. J'ai été travailler ailleurs. Et en fait, tout ce volet d'autonomie, de responsabilité, de respect. C'est quelque chose qui me manque. Et donc, voilà, j'ai envie de revenir chez IHPO. Je sais que je n'ai pas été très correct au moment du départ, etc. Et donc, est-ce qu'il y a moyen de revenir ? Il est revenu, c'est notre meilleur vendeur. Donc, oui, ça prouve bien que le style de management, l'état d'esprit qu'on essaye d'avoir au sein de nos équipes, ça passe ou ça casse. Quand ça passe, les gens aiment vraiment bien et ils ont envie de rester. Mais ça ne passe pas avec beaucoup de gens. C'est entre parenthèses un peu la même chose avec nos clients. Nos clients, ils sacrifient une partie de leur confort, une partie de leur ego pour faire une bonne affaire, en rentrant dans un hangar pour acheter un magnifique frigo américain Samsung à 2000 euros qui est vendu 2006 dans les grandes enseignes. Mais moi, je connais des gens. J'ai le nouveau compagnon d'une bonne amie à moi qui, en rentrant chez IHPO avec elle, a dit à sa copine, donc à ma copine, moi, jamais je n'achète dans un truc pareil. Et donc, ils ont fait demi-tour et ils n'ont pas acheté. Donc, il y a des clients pour qui ce n'est pas possible de rentrer dans un magasin comme IHPO parce que ça ne correspond pas à leur standing. Et donc, ça ne fonctionne pas. C'est ça qui est riche, c'est ça qui est intéressant.
Amélie : Ce switch, toi, tu l'as fait il y a maintenant 7-8 ans, quelque chose comme ça. Tu le regrettes ?
Marc : Non, alors c'est un switch qui était en plusieurs temps. Donc, j'ai travaillé de mes 23 ans jusqu'à mes 40 ans dans le secteur du conseil en communication. J'ai même continué encore un petit peu par après. Pour la petite histoire, à 30 ans, je m'étais juré de faire le tour de l'Atlantique en voilier quand j'en avais 40. Ce qui était un défi intéressant parce que... Pardon, le tour de l'Atlantique en voilier avec femme et enfant quand j'en avais 40. Ce qui était un certain défi parce que je n'avais pas encore rencontré ma femme.
Amélie : Et tu ne savais pas naviguer 'haha'.
Marc : Je savais naviguer en voile légère, mais je n'avais jamais fait de voile hauteurière. Mais moi, j'ai eu le plaisir de le faire et la grande fierté de le faire. Pour répondre à la question, il y a eu d'abord toute cette première partie de carrière dans le secteur du conseil en communication. D'abord avec mes propres entreprises, j'ai fait mon tour de l'Atlantique. Et puis, le groupe Publicis à qui j'avais revendu mon entreprise m'a rappelé pour reprendre la direction de Publicis Belgique, qui était donc une agence de publicité, ce qui n'est pas vraiment mon domaine d'activité. Mais c'était une mission de crisis management pendant deux ans, qui était absolument formidable. Et donc, voilà, ça, c'est un peu la première partie de ma vie. J'ai eu une deuxième partie entrepreneuriale, un peu de business angel, un peu d'accompagnement de jeunes entreprises. J'ai connu aussi un échec. Donc, c'est aussi extrêmement formateur. Et puis, ça faisait longtemps que j'avais envie de reprendre une entreprise. Racheter une entreprise est un parcours du combattant. Et un jour, il y a un banquier qui m'a dit « Oui, mais tu sais, en fait, tous les dossiers qui arrivent, entre guillemets, dans le domaine, en fait, c'est les mauvais dossiers. Les bons dossiers, ils partent avant. Ils partent en contact interpersonnel. Ou ils partent parce que dès que ça arrive chez le banquier, le banquier connaît quelqu'un, etc. Et donc, tu dois vraiment développer ton networking, parce que sans ça, tu ne parviendras pas à acheter. Et il se fait qu'un peu plus tard, je rencontre un copain qui est un des deux propriétaires de IHPO à ce moment-là. Et on déjeune ensemble en discutant de tout et de rien en copain. Et puis, à la fin de l'entretien, il me dit « Ah, tu sais, j'ai une entreprise. » « Je suis en train de vendre IHPO. » Je dis « Ah bon ? » Et puis, voilà, c'est comme ça que ça s'est fait. Et donc, c'était un rachat qui tombait particulièrement bien. Moi, j'ai passé 25 ans à conseiller mes clients, qui étaient essentiellement des retailers ou des marques qui vendent dans le retail. C'était du conseil de promotion des ventes. IHPO, c'est un retailer, discounter. Donc, on est dans la promotion des ventes. On est dans la bonne affaire. Donc, en fait, je me suis dit « Finalement, je vais faire pour moi ce que j'ai conseillé à mes clients de faire pendant 25 ans. » Donc, c'était un switch qui était vraiment intéressant. Maintenant, ne se cache pas, le basculement a été extraordinairement compliqué, essentiellement pour des questions de ressources humaines, d'ailleurs.
Amélie : Pourquoi ?
Marc : Parce que je suis passé d'un secteur de la communication dans lequel mes employés rêvaient de travailler dans ce secteur. C'est un secteur qui est assez sexy. Donc, les gens ont envie de travailler là-dedans. Les gens qui y travaillent veulent y travailler. Moi, début de ma carrière, on avait tous moins de 30 ans. Il y avait une ambiance absolument extraordinaire. On faisait la fête ensemble le soir. Tous les vendredis à 5 heures, on faisait l'apéro. À un moment, il fallait mettre les gens dehors pour qu'ils finissent par s'en aller. Donc, il y avait un engagement dans le travail qui était vraiment très important. Et comme je disais tout à l'heure, en termes de management, les employés étaient finalement notre seul actif. Donc, on était dans une relation qui était une relation très, très forte au niveau du travail. Et puis là, je suis arrivé chez IHPO avec une culture de management qui n'était absolument pas du tout la mienne, qui était une culture très autoritaire, vraiment très, très autoritaire, avec des employés qui, fondamentalement et dans leur grande majorité, n'avaient pas du tout envie de travailler. Et donc, moi, je suis arrivé avec ma culture d'entrepreneur, de manager ouvert dans le dialogue, dans la motivation, etc. Et je me suis rendu compte que j'avais en face de moi une partie d'employés qui n'avaient jamais travaillé que dans la contrainte ou sous la contrainte, dans un rapport de subordination extrêmement fort et que ces gens ne comprenaient pas, en fait, le style de management que je leur proposais. Et que donc, avec eux, il n'y avait que l'autorité, entre guillemets, bête et méchante qui fonctionnait, fonctionnait mal. Mais c'était la seule manière de faire en sorte qu'ils fassent quelque chose. Moi, quand je suis arrivé, il y a beaucoup de ces employés-là qui se sont dit, avec Marc, maintenant, c'est les vacances. On fait ce qu'on veut. D'ailleurs, les chiffres se sont écroulés parce qu'ils ne se sentaient plus tenus. Et donc, c'est parti en vrille de manière relativement importante. Et donc, il a fallu vraiment recréer une culture d'entrepreneur. D'abord, écarter tous ces employés qui étaient, finalement, très toxiques et les remplacer petit à petit par des commerçants et réinstaller vraiment une culture d'entreprise. Donc voilà, ça a mis du temps. Il a fallu deux ans pour ne fût-ce que nettoyer et refaire des fondations et pouvoir repartir de l'avant sur des bases qui, en tout cas, me convenaient à moi en tant que manager et convenaient à mes vacances. Et donc, j'ai fait un peu de malheur à ma vision de la vie, à ce fait que moi, je n'ai pas envie d'avoir des employés sur qui je dois, je ne vais pas dégueuler, mais en tout cas, être très directif. C'est évaluation et c'est mauvais, un management que je trouve assez négatif. Moi, j'ai envie de travailler avec des gens qui ont envie de bosser, en fait, fondamentalement. Et avec ces gens-là, ça se passe formidablement bien.
Amélie : Qu'est-ce qui drive ?
Marc : Moi, personnellement ? C'est une bonne question. Je crois que l'engagement est donc la valeur cardinale de mon existence. Donc, quoi que je fasse, j'ai plutôt tendance à le faire à fond. J'ai été impliqué un peu dans la compétition, dans différents domaines. Je suis très compétitif aussi dans ce même état d'esprit. Mais par exemple, j'ai fait beaucoup de voiles légères, donc de la régate. J'étais seul à passer autant de temps à travailler sur les réglages de mon bateau. Les autres, ils vont là pour s'amuser, pour naviguer. Donc, moi, il y a toutes ces dimensions-là. Donc, oui, l'engagement. Et donc, derrière ça, il y a probablement la volonté d'apporter toujours un peu plus. Jamais s'arrêter, en fait. Je trouve que s'arrêter, c'est la mort. D'ailleurs, c'est une réalité biologique et physique. Quand la cellule s'arrête, c'est qu'elle est morte. Donc, oui, je pense que je suis un peu ça. Moi, j'ai besoin que ça bouge.
Amélie : Tu progresses comment ?
Marc : Est-ce que je progresse ? C'est une bonne question. Pendant toute une partie de ma vie, je ne le fais plus maintenant, je le regrette, je faisais chaque année une retraite. Je le conseille à tout le monde. J'allais à Chevetogne, donc une abbaye, où j'allais au Vepre le matin. Je ne suis pas du tout, enfin, j'ai été baptisé, mais je ne suis pas du tout pratiquant catholique. Je n'y crois pas. Moi, je suis agnostique. Mais il faut reconnaître qu'il sait faire les choses en ce qui concerne élever l'âme, les moines. Donc, c'est un endroit absolument fantastique. Et j'y allais chaque année avec toute une série de, souvent des articles ou des trucs que j'avais notés, que j'avais découpés, mis ensemble. Et je partais avec un carnet que j'avais intitulé, « Carnet de doutes" et je pense que le doute est un moteur extrêmement puissant pour évoluer. D'abord, c'est une bonne manière de faire son introspection. Et puis, c'est formidable de douter. Alors, il ne faut pas que douter. Moi, fondamentalement, je suis un homme de décision. C'est ça qui permet d'avancer. Mais décider sur des doutes, c'est ça qui est riche. Parce que, finalement, il n'y a pas d'arrogance là-dedans. Il n'y a pas de... Il y a beaucoup d'humilité, en fait, dans tout ça. Il y a beaucoup d'écoute sur est-ce que ce que je fais est bien ou pas bien, etc. Après, je me rends compte, au quotidien, qu'il y a encore tellement de choses dans lesquelles je suis mauvais. Et il y a des choses sur lesquelles on parvient à évoluer. Il y a des choses sur lesquelles c'est tellement intrinsiquement lié à ce qu'on est que c'est plus compliqué.
Amélie : Marc, merci. Je vois que l'heure file, donc je vais devoir te laisser. Mais j'ai beaucoup appris. Je trouvais très intéressant toute ton histoire. Donc, un grand merci. Et je te souhaite une bonne continuation chez IHPO.
Marc : Et bien, plein de succès pour le podcast, alors.
Amélie : Merci.